Présentation du projet
L’historique de la recherche sur le site
Le contexte archéologique du site
Le site dans un contexte littoral plus large
L’historique de la recherche sur le site
Le site de BarzanLe site du Fâ à Barzan, connu par des sources écrites depuis le XVIIIe siècle, a été identifié à une ville en 1975, grâce aux prospections aériennes de Jacques Dassié, qui révélèrent l’ampleur de l’espace urbain caractérisé par des monuments publics inscrits dans un réseau viaire.
Les premières prospections géophysiques furent alors confiées à Alain Kermorvant dans le secteur des entrepôts et sur une portion de la voie majeure. En 1993, fut fondée l’association ASSA Barzan (1) dont les membres dégagèrent les quelques vestiges visibles afin d’ouvrir le site au public.
À partir de 1994, des fouilles programmées furent engagées sur divers secteurs de la ville (2), tandis que des prospections géophysiques reprirent en 1998 et 2000 (3). Ces dernières sont réalisées, depuis 2006, sur l’ensemble de l’agglomération (4). Par ailleurs des diagnostics se déroulent ponctuellement à proximité de la ville ou sur l’emprise urbaine elle-même.
Depuis 1999, un syndicat mixte associe la commune de Barzan et le conseil général de la Charente-Maritime dans un projet qui soutient la recherche et entreprend la mise en valeur du site.(2) Le temple circulaire : Pierre Aupert ; l’occupation protohistorique et les portiques du sanctuaire : Karine Robin ; les thermes, les entrepôts et un quartier d’habitats : Alain Bouet ; un puits des habitats : Sophie Coadic ; le théâtre : Antoine Nadeau et Graziella Tendron ; les rues : Emmanuel Moizan et Laurence Tranoy.
(3)Sous la direction de Nicolas Florsch.
(4)Sous la direction de Vivien Mathé.
Le contexte archéologique du site
À l’embouchure de l’estuaire de la Gironde, le site archéologique du Fâ, commune de Barzan, s’étend à environ 1 km de la côte actuelle, sur un versant incliné en pente douce vers le fleuve. L’occupation du site est avérée depuis le néolithique. Les travaux de ces dernières années ont montré une pérennité de l’occupation depuis le second âge du Fer (Robin & Soyer 2003 ; Robin et al. 2009, Landreau et al. 2009) jusqu’à l’époque romaine durant laquelle se développe une agglomération
Le noyau de l’occupation protohistorique est situé sous le temple circulaire antique qui domine le site. Cette occupation est continue depuis le VIe siècle a.C.
Du VIe au IIIe siècle, les niveaux sont caractérisés par la qualité et la quantité du matériel qu’ils recèlent, notamment du mobilier d’importation, étrusque et grec Rien, pour l’heure, ne permet d’interpréter avec assurance ces vestiges qui traduisent de toute évidence l’existence d’un site majeur, sur le littoral estuarien. Son étude doit être associée à celle de l’éperon de Vil-Mortagne, oppidum secondaire de 12 ha, doté d’un rempart, à la fin de l’âge du Fer.
À l’époque romaine, une ville se développe sur environ 40 hectares (Maurin éd., 2007). Au sein du territoire santon, l’agglomération occupe une place particulière (5) : sa position sur l’estuaire, sa vocation économique et religieuse, révélée notamment par sa parure monumentale, en font le principal pôle urbain, après le chef-lieu, Saintes.
De la ville antique, on connaît aujourd’hui un temple circulaire, construit sur une éminence dont la cella marquait le paysage à la manière d’un amer (Aupert, 2004), un établissement thermal (Bouet, 2003), des entrepôts (fouille A. Bouet), un quartier d’habitats (fouille A. Bouet), un théâtre (Nadeau, 2009) et un long portique établi le long d’une voie, entre deux sanctuaires (Tranoy et al., 2009).
De nombreux autres bâtiments publics, révélés par les prospections aériennes et géophysiques, caractérisent en outre la parure urbaine. Une série d’entrepôts, découverts par J. Dassié et en grande partie fouillés (Bouet, 2008), implique la proximité d’aménagements portuaires qui confèrent un rôle commercial de premier plan à cette agglomération maritime majeure de la cité des Santons
Bien avant cette découverte, l’existence d’un port (mentionné sur une carte de Claude Masse, ingénieur de Louis XIV), était donnée pour certaine et la tradition a nourri la vision chimérique d’un site portuaire à l’image de ceux des côtes méditerranéennes. Cette interprétation s’inspirait aussi d’un traité du savant grec Ptolémée (vers 100 – vers 178) où sont données les coordonnées d’un « Cap des Santons » et d’un « Port des Santons ». Ainsi, la quête du port des Santons fut, jusqu’à une époque récente, une des questions récurrentes de l’historiographie (6).
Le site dans un contexte littoral plus large
Carte d'après Maurin, 1994
Si Barzan apparaît comme un centre dynamique, l’agglomération s’inscrit au cœur d’un réseau d’échanges tourné vers l’Océan. L’emplacement de la capitale du Pays Santon (Saintes), en bord de la Charente, la localisation de nombreux habitats et surtout de villas le long des fleuves navigables, témoignent du rôle économique de la circulation par voie d’eau. La façade océanique du territoire santon ‑ îles comprises – est façonnée de plus de 400 km de côtes, entaillées par plusieurs grands estuaires : la Sèvre niortaise, la Charente, la Seudre, la Gironde. Le rivage santon, dont le tracé est encore difficile à établir avec précision, était ainsi indubitablement jalonné de lieux favorables à une activité portuaire laissant peu de traces, voire aucune.
Quelques unes des productions, à l’origine d’une activité commerciale dynamique dans cette région, peuvent être rapidement évoquées.
La production du sel indigène le long du littoral picto-charentais est bien connue pour la période protohistorique ; ce type d’exploitation semble disparaître après la Conquête, hormis en quelques lieux où il est encore pratiqué au Ier, voire au début du IIe siècle, comme l’a montré Didier Coquillas (2001). La datation de ces sites et leur position à proximité du littoral apportent des informations sur le trait de côte qui ne saurait cependant être restitué sur la seule base d’une cartographie des exploitations. La technique des marais salants fut probablement importée à partir de l’époque romaine mais les sources archéologiques sont pour l’heure indigentes et les premières mentions écrites datent du VIIe siècle. Les pains de sel donnaient lieu à un commerce sans doute florissant mais qu’il est mal aisé de suivre car les contenants devaient être en matière périssable. Cependant, des découvertes récentes témoignent d’exportation de sel en augets, dans l’arrière pays et même au-delà (comme à Saint-Gence, dans le Limousin). La question du déplacement des moules à sel est donc d’actualité.
Autre production destinée à la commercialisation : le vin. Le PCR animé par Jean-Pierre Brun a révélé une intense activité viticole, en territoire santon (Balmelle et al., 2001). Sept centres de production (Aytré, Les Minimes, Les Quatre-Fages, Saint Eloi, Haut-Pampin, Les Groies, L’Houmeau) sont aujourd’hui identifiés autour de la Rochelle et du Port-du-Plomb (dans un rayon d’environ 10 km) ; un vignoble qui s’étend ainsi au bord du littoral laisse supposer l’existence de structures portuaires voisines permettant l’exportation du vin, et peut-être aussi d’une petite agglomération. Des villas viticoles sont aussi implantées le long du fleuve de la Charente et à proximité de son estuaire, autre lieu propice à une activité portuaire. Les travaux récents montrent que « le vignoble antique est lié à la mer et à l’eau, et que les voies de communication et les transports par bateau ont eu un rôle prééminent » (Balmelle et al., 2001, p. 134).
À Barzan, la quantité phénoménale de coquilles d’huîtres recyclées lors des travaux de construction de la ville romaine est une des caractéristiques du site. L’existence de lieux spécialisés dans l’exploitation de cette ressource, le stockage et éventuellement la transformation des coquillages pour l’exportation sont des thèmes déjà abordés mais qui seront développés à l’avenir (Bardot, 2007).
L’ensemble de ces réflexions a conduit, dans un premier temps, à examiner les travaux menés autour de la problématique portuaire antique sur la façade atlantique, lors d’une journée d’études sur “ Les structures portuaires de l’arc atlantique dans l’Antiquité, Bilan et perspectives de recherche” (7) organisée en 2008 à l’université de La Rochelle. Elle fut l’occasion d’aborder des questions de méthodes en confrontant les expériences méditerranéennes et celles menées en contexte littoral, fluvial ou estuarien, le long de l’Arc atlantique, depuis le sud de la péninsule ibérique jusqu’à la Manche. À l’issue de cette rencontre, il est apparu opportun d’articuler les travaux menés à l’échelle de Barzan avec des recherches qui s’inscriraient dans un cadre spatial plus large. Une telle démarche est déjà engagée à Rezé qui, comme Barzan, est un pôle urbain et portuaire majeur (Arthuis, et al., à paraître, cf. dans ce volume). Rezé et Barzan sont d’ailleurs associés aux deux grands estuaires qui constituent les limites septentrionales et méridionales du littoral picto-santon.